Abstract 2020/1 p. 11

On ne peut évoquer le Traité de Versailles et la Société des Nations sans aborder le rôle joué par les États-Unis, et en particulier par le Président Wilson. Bien d’autres avec lui, universitaires et praticiens, juristes et politistes, ont œuvré à la promotion du droit international durant cette période. Cela n’empêchera pas le rejet par le Sénat américain du Pacte, comme des institutions internationales qui suivront. L’analyse des écrits et des discours des juristes et politistes de l’époque révèle que si la promotion d’un nouvel ordre international d’après-guerre est clairement affirmée au sein de la doctrine internationaliste américaine, elle est empreinte de particularismes qui sont au fondement d’une conception singulière du droit international qui perdure aujourd’hui encore outre-Atlantique. D’abord, la promotion du droit international passe, aux États-Unis, par un ensemble de réseaux, formels et informels. Ensuite, la coopération multilatérale est appréhendée sous le prisme des valeurs américaines : l’exceptionnalisme des États-Unis et la défense de leurs intérêts nationaux n’auront de cesse d’être affirmés. Enfin, en dépit d’une continuité dans le soutien à la coopération internationale, les désillusions liées à l’échec de la SDN, à la non-participation des États-Unis à la CPJI, conduiront progressivement les Américains à adopter une approche pragmatique et fonctionnelle du droit international, dont on ne connaît pas d’équivalent en Europe. Cette approche nouvelle, apparue dans l’entre-deux-guerres, marque le début d’une évolution de la pensée internationaliste américaine vers une conception utilitariste de la discipline dont le plein essor interviendra à l’issue du second conflit mondial.

We cannot evoke the Treaty of Versailles and the League of Nations without addressing the role played by the United States, and in particular by President Wilson. Many others with him, academics and practitioners, jurists and political scientists, promoted international law during this period. This will not prevent the rejection by the US Senate of the Covenant, as of international institutions that will follow. Analysis of the writings and speeches of jurists and political scientists of the time reveals that, while the promotion of a new post-war international order is clearly affirmed within American internationalist doctrine, it is marked by particularisms which are at the basis of a singular conception of international law which continues today across the Atlantic. First, the promotion of international law in the United States passes through a set of networks, formal and informal. Second, multilateral cooperation is apprehended through the prism of American values: US exceptionalism and the defense of its national interests will never cease to be asserted. Finally, despite a continuity in the support for international cooperation, the disillusions linked to the failure of the League of Nations, to the non-participation of the United States in the PCIJ, will gradually lead the Americans to adopt a pragmatic and functional approach of international law, whitout equivalent in Europe. This new approach, appeared in the interwar years, marks the beginning of an evolution of American internationalist thought towards a utilitarian conception of the discipline, the full development of which will take place after the Second World War.

 

 
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